Michel Sophie, alias Gramoun Sello, est l'un des plus grands noms du maloya,
rythme traditionnel de l'Ile de La Réunion. Ce musicien créole y est né le 18 avril 1949 dans la ville de Saint-Louis. Tout petit, il fréquente peu l'école et, très tôt, travaille dur dans les
champs de canne. C'est dès cette époque qu'il découvrira le maloya, lorsque celui-ci se déchaîne les soirs de "Kabar". Cette fête spécifique à La Réunion, ou la "fête des esclaves", battait son
plein autour des plantations avant l'abolition de l’esclavage en 1848. Incluant la musique, la danse et le chant collectif, la tradition du Kabar a perduré, toujours fréquenté aujourd'hui par une
population majoritairement créole. Véritable spectacle envoûtant et participatif, il attire aussi cependant bon nombre de touristes et autre vacanciers de passage en quête de dépaysement. La
joyeuse musique qu’on y pratique, essentiellement du maloya donc (plus rarement du sega de l’Océan Indien), met à l’honneur les percussions. Les rythmes à trois temps endiablés du maloya, appuyés
par un chant généralement puissant, invitent à la danse, pour certains jusqu'à la transe. Gramoun Sello en est l'un des plus illustres représentants, véritable légende du genre, aux côtés de
Firmin Viry, Gramoun Lélé (malheureusement disparu en novembre 2004), Lo Rwa Kaf, et, bien sûr, l’incontournable Danyel Waro (qui vient tout juste de publier l’excellent Gryn’sel).
En 1980, Gramoun Sello fonde la troupe Roseda avec quelques-uns de ses amis musiciens, groupe qui restera comme l'un des plus importants de toute l'histoire du maloya. C'est également l'un des
premiers groupes de La Réunion à développer et revendiquer un véritable contenu politique, souvent contestataire. Celui-ci publiera une dizaine d'enregistrements, malheureusement introuvables
aujourd'hui, et se produira un peu partout à la Réunion, avant de disparaître à la fin des années 90. Retiré alors de la scène musicale, Gramoun Sello nous revient aujourd'hui avec un nouvel
album enregistré dans les conditions du live au Bato Fou à Saint-Pierre, à l'initiative de Stéphane Grondin du groupe Melanz Nasyon, responsable par ailleurs du label Maloyallstars.
Légende du Maloya, disque qui porte bien son nom, nous transporte dans l'univers de Gramoun Sello à travers 11 titres qui illustrent, parfois avec dérision, le quotidien des Réunionnais. Car pour
le musicien créole âgé de 57 ans, tout est bon à prendre pour écrire les textes de ses chansons, la vie en famille, les "cancans" et les querelles de voisinage, sans oublier les sujets plus
graves que sont le racisme, la misère et les injustices sociales. A noter que deux morceaux de l'époque Roseda sont de retour grâce à cet album, les populaires Ladi lafé (traduisez par potins )
et Berta. La voix chaude et expressive de Gramoun (traduisez par Grand-père ) Sello est secondée par un chœur mixte dynamique et efficace, et appuyée par un collectif d’excellents musiciens dont
Stéphane Grondin lui-même au "roulèr", sorte de gros tambour chevauché par le joueur.
Il apparaissait primordial pour Stéphane Grondin de mener à bien ce projet, avec la volonté d’ immortaliser les chansons du maître sur CD (l'homme en a plus d'une centaine dans son répertoire, ce
qui laisse donc encore de la marge au label). Il commente lui même : "
On ne pouvait laisser une légende comme Gramoun Sello tomber dans l’oubli. Depuis la fin de Roseda, Gramoun Sello restait
tranquillement chez lui à Bois d’Olive Saint-Pierre. On ne pouvait accepter cela, c’était un sacrilège pour notre culture. Maloyallstars s’est fait un devoir de sortir Gramoun de sa case".
Mission accomplie, le disque et aujourd'hui disponible dans les bacs réunionnais, et en import pour la métropole si on prend un peu la peine de chercher.
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