Partager l'article ! Saint-Denis : Abel Tissot incarne "Monsieur Sfartz" dans un court-métrage de cinéma: Personnes âg ...
www.philippevallin.com Projets culturels & chroniques musicales
Personnes âgées
Un film pour se retrouver
Mardi 28 juin, le restaurant de la résidence Croizat s'est transformé en salle de projection. Les personnes âgées attendaient d'y découvrir Monsieur Sfartz, le court-métrage auquel elles ont participé.
En attendant les derniers réglages de son, Abel Tissot, personnage principal du film et habitant de la résidence Basilique, amuse la galerie. «Si monsieur Sfartz fait tout le
temps la gueule, moi pas : ce soir, c'est la fiesta !». Malgré la joyeuse indiscipline de la vingtaine de personnes âgées présentes, les lumières se tamisent et le film démarre. L'émotion
est palpable. «Ils y mettent leur vécu et on sent bien que ça fait appel à des choses enfouies et très intimes chez eux, assure Brigitte Sztulcman, la réalisatrice.
C'est ce qui me fait dire que le film fonctionne. Je voulais faire un film sur le troisième âge et créer un événement autour, comme un atelier cinéma où ils passent de leur réalité
quotidienne à la réalité cinématographique.» Simple film universitaire au départ, Monsieur Sfartz est peu à peu devenu un véritable projet collectif.
«Le tournage a duré quelques mois et c'était vraiment agréable. J'ai été heureux de le faire», témoigne Abel Tissot. «C'était intéressant de faire traiter par les personnes âgées
l'histoire de ce monsieur Sfartz qui a du mal à s'intégrer dans un établissement», explique à son tour Philippe Vallin, coordinateur du service animation et vie sociale de
la Direction municipale des retraités. Ce film sera présenté lors de la Semaine nationale des retraités, du 17 au 23 octobre. À Saint-Denis, cette Semaine bleue sera l'occasion de faire un
«focus sur les projets des retraités, poursuit-il. Nous allons rendre leur vie visible à travers de multiples rencontres, et valoriser des projets. Il y a des spectacles, une journée
forum pour se renseigner sur toutes les composantes de la vie des personnes âgées, les loisirs, les droits... C'est véritablement mettre en valeur les personnes retraitées dans leur ville».
Le programme complet de la Semaine bleue est disponible dans les services municipaux ouverts au public et sur le site internet de la ville : www.ville-saint-denis.fr
Article extrait de "Saint-Denis : le magazine" (N°1 - automne 2011)
Edition : Direction de la communication de la ville de Saint-Denis
ABEL
Abel Tissot, 85 ans, personnage principal du film de Brigitte Sztulcman, habite la résidence Basilique. Il interprête le rôle-titre de Monsieur Sfartz, Deux projections sont déjà
programmées. Abel estime que «si cela permet aux gens de Saint-Denis de voir comment vivent les personnes âgées dons une résidence, le côté positif comme les difficultés, c'est
gagné.»
PROJECTION MONSIEUR SFARTZ
- Lundi 17 octobre à 15h à la résidence Croizat
10 avenue Romain Rolland.
- Vendredi 21 octobre à 14h30 au cinéma l'Écran
14 passage de l'Aqueduc.
Entrée libre
*
Projection/restitution et tournage de "Monsieur Sfartz" à la résidence Ambroise Croizat, Saint-Denis (93)
Portrait d'Abel Tissot
"Mémoire Plaine"
Il est étonnant, Abel. Le verbe haut, l’œil clair et vif, le pas
alerte, la silhouette fine et l’enthousiasme d’un jeune homme ne disent pas ses 83 printemps. Sa vie est une histoire, belle, qui s’enlace avec la grande, belle aussi, parfois dure. Tout commence
à la Plaine, où est né son père, en 1889. «Mon grand-père, maréchal-ferrant dans le Jura, était venu travailler au Gaz du Landy.» Abel Tissot commence à raconter.
Il y a en a pour des heures, et c’est passionnant. Le débit fluide, les mots expressifs, les phrases construites s’enchaînent pour parler d’un temps révolu qui revit grâce à sa mémoire et à son
talent de conteur. Il mime les situations, cite les dialogues, exprime les caractères de ceux qu’il a connus.
L’enfance rue Langlier, la magnifique avenue Wilson «bordée d’arbres» sur laquelle il faisait du vélo, l’école au 120, «la seule à l’époque», le patronage le jeudi, les fins de
mois difficiles car le père, ferronnier d’art, a peu de commandes, la famille unie, les manifs de 36 qui descendaient l’avenue en chantant L’Internationale, «sublime !», tout défile,
jusqu’aux jours funestes du décès de sa sœur aînée, tuberculeuse, et de l’Occupation.
La faim, le troc, la débrouille et, surtout, l’engagement à la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), interdite, alors qu’il prépare son CAP d’ajusteur. «On a souffert, mais moins que les
Espagnols…»
Il relate la douloureuse perquisition allemande du 18 septembre 1941 dans le quartier de la Petite Espagne, puis les bombardements du 21 avril 1944, son engagement aux FFI en juin, sa blessure en
août, à la Libération, qui lui valut la Croix de guerre. Il raconte aussi avec émotion sa rencontre, cette même année, avec sa Célestine, fille d’Espagnols de la Plaine, elle aussi à la JOC, qui
deviendra sa femme 61 ans durant.
Alors qu’il parle, des photos de ses enfants et de ses petits-enfants défilent dans un cadre numérique. L’histoire continue, l’engagement syndical, puis aux parents d’élèves, au Mouvement de la
paix, qui prolongent celui de sa vie, au sein de l’ACO (Action catholique ouvrière), pour une église ouverte sur l’extérieur, fidèle au monde ouvrier. «Nous étions contre l’église des
prélats, avec la classe ouvrière», dit-il encore aujourd’hui, avec toujours autant de force.
En même temps qu’il vit et qu’il se bat pour ses idées, Abel écrit, raconte ses luttes et ses rencontres, notamment avec les autres militants chrétiens, et conserve soigneusement les écrits de
son père. Ce qui fait que cet homme est une mine d’histoire, une mémoire vivante, ainsi qu’il a intitulé son association de la Plaine. Cet amoureux de généalogie (il a retrouvé des Tissot
jusqu’à… Louis XV !) continue à travailler sur cette mémoire, s’attachant à la partager, à la faire connaître à travers des articles, des enregistrements, des films.
Depuis le décès de sa Célestine aimée, il vit seul à la résidence Basilique, mais reste tendrement entouré par ses deux filles et leurs familles, unies comme un symbole d’une vie pleine et
entière, tournée vers la justice et le don de soi. Abel continue à raconter, et c’est toujours passionnant.
Benoît Lagarrigue
Le Journal de Saint-Denis
Avril 2010
Photo : Yann Mambert
Vos réactions