Les retraitées donnent de la voix
Chansons et témoignages sont rassemblés sur un CD qui restitue le paysage musical des anciens de Saint-Denis pour qui "chanter est le meilleur des médicaments".
"VOUS AVEZ quelque chose de très précieux à transmettre aux jeunes générations. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait avec ce disque." Ce jour-là, à la résidence de retraités
Ambroise-Croizat, Boris Lelong et Philippe Vallin, les deux "jeunots" de l'assemblée, font un dernier briefing à une dizaine de dames d'âges respectables. "Il va falloir qu'on soit en
voix", s'inquiète l'une d'elles, mi-blagueuse. Résidentes de Croizat, de Basilique ou d'ailleurs, Mado, Marthe, denise, Henriette, Jeannine et les autres seront en effet les "vedettes" de
la présentation publique de La mémoire en chantant, un CD diffusé à un millier d'exemplaires avec le soutien de la direction retraité de la ville. Cet enregistrement de chansons et de
témoignages est l'aboutissement d'un projet conduit par Philippe Vallin, animateur au service retraités, et de son complice Boris Lelong, fondateur et responsable de l'association Altamira.
Organisateur d'animations-concerts et producteur de CD de musiques traditionnelles qu'il s'en va glaner à travers le monde, Boris a restitué "le paysage musical des retraités de
Saint-Denis", où il s'est immergé au cours des rencontres organisées depuis deux ans en partenariat avec la direction des retraités.
On peut entendre une vingtaine de voix
Sur les 13 heures d'enregistrements réalisés au cours des derniers mois, à domicile ou en résidence de retraités, il a conservé 76 minutes, où l'on peut entendre une vingtaine de voix, dont
quelques-unes masculines, raconter le temps naguère et les airs qui s'y rattachent. Entre Ma Normandie, Félicie, L'hymne à l'amour ou Le temps des cerises, chantés le plus
souvent a cappella, on y parle des chanteurs des rues dont on accompagnait les refrains "au coin de la mairie", les jours du marché, ou rue de la République. Thérèse s'y souvient du
raccomodage de chaussettes avec sa mère. "Je m'asseyais à côté d'elle et on chantait, c'était vraiment un bonheur !" "Je me suis retrouvée mariée avec des enfants à chanter derrière mes
casseroles", dit une autre.
Loin d'être cantonnée aux fêtes, les chansons font partie de la vie, elles en rythment les labeurs, en bercent les chagrins, en exaltent les joies. Et pour elles et eux, il en est d'hier comme
d'aujourd'hui. "Le soir, quand je ne dors pas, je chante à voix basse sous ma couverture", confie un pensionnaire de résidence. Pour ceux de Croizat, qui sont isolés, le groupe de
chant du lundi matin, "ça permet de passer un week-end convenable, ça remet en train". "On avait un autre état d'esprit que ne l'ont les jeunes d'aujourd'hui, parce qu'ils sont
dans un monde où il n'y a pas tellement d'avenir", s'accordent-ils unanimes. "Les gens n'ont plus le coeur à chanter."
Rappel de ce bon vieux temps d'insouciance pour les membres de la chorales Dionysia qui y participaient, la Carnavalcade de 1998 a été "féerique", "gransiose", "inoubliable". Mais
quelle que soit l'époque, Henriette, comme les autres, pourrait bien nous en convaincre : "Chanter est le meilleur des médicaments, pour dormir, contre le cafard ou contre la colère."
Vos réactions