Vendredi 18 avril 2008
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Par Jean-Michel delage
A Saint-Denis, en banlieue parisienne, chaque mercredi depuis près de deux ans, a lieu un atelier slam intergénérations. Les sessions se déroulent en alternance à la Maison de la jeunesse
ou dans une residence pour personnes âgées. Un rendez-vous devenu incontournable pour cette quinzaine d'apprentis slameurs de onze à quatre-vingt-trois ans. Réunis ensemble, ils s'adonnent aux
joies des mots et des rimes. Pour les encadrer, Emilie, "
Fleur du Maroni", et Fabien, alias "
Grand Corps Malade". Malgré ses deux Victoires de la musique, il continue à animer
avec passion cette rencontre singulière entre générations.
"
Il y a deux ans, j'avais commencé un atelier avec des jeunes de Saint-Denis" raconte-t-il, "e
t j'envisageais d'en créer un autre avec des retraités. Alors, quand on m'a proposé de
fusionner ces deux projets, je n'ai pas hésité une seconde ! Regrouper trois générations, c'était vraiment excitant !" Autour de la table, Rudy, Marcello, Soraya et les autres jouent avec
les mots et les rimes. Chacun écoute avec attention les conseils de Fabien. Quelquefois, des duos s'improvisent : un jeune et un aîné travaillent ensemble un texte. "
grâce à cet atelier, deux
populations qui d'ordinaire s'ignorent, partagent ces petits moments de bonheur", reconnait Babka (pseudo d'Henriette, soixante sept ans). Chacun à sa façon raconte son univers, sa vie, ses
pensées. Rudy (pseudo "
Handicapable") dénonce dans ses écrits le quotidien des personnes handicapées. Marcelle préfère aborder des thèmes plus positifs, le bonheur.
Confrontation des styles, des modes de vie. Beaucoup de générosité des uns et des autres. "
Des moments si rares ici en France, où jeunes et vieux n'ont pas tant l'habitude de se
fréquenter", admet Fleur du Maroni. Ensemble, on écrit, on parle, on clame ! Au travers des textes en duo, ou en trio, ils s'enrichissent les uns les autres. "
A leur contact, j'ai
beaucoup appris sur leur manière de vivre, de penser", ajoute Scor-P, jeune rappeur de dix neuf ans. En fin de séance, chacun clame son texte debout devant les autres. Jamais de moqueries ni
de remarques. Au contraire, des applaudissements pour chaque poète. Leur repertoire s'est enrichi mois après mois. Jusqu'à l'organisation d'une soirée devant un vrai public. Un grand moment pour
tous.
Chris, Denise, Babka et Bourim au Café Culturel de Saint-Denis
Tout ce petit monde fréquente aujourd'hui les scènes slam de Saint-Denis et d'ailleurs, afin de dire ses textes devant un public de connaisseurs. "
Comme je le répète tout le
temps", précise Fabien, "
le slam, c'est une bouche qui parle et des dizaines d'oreilles qui écoutent. Et le respect, l'attention font partie de la philosophie de cette pratique."
Cerise sur le gâteau, l'atelier intergénérations va bientôt entrer en studio afin d'enregister un disque, avec des musiciens ! "
Cette expérience a transformé ma retraite", reconnaît
Marcelle, "
cela a mis de la joie dans nos vies. Et nous attendons chaque mercredi suivant avec impatience !" Le slam, venu des Etats-Unis dans les années quatre-vingt-dix, a trouvé sa
place en france auprès de toutes les populations. Pour preuve, cet atelier, mais aussi tous ceux qui, chaque jour, naissent dans des écoles, des hôpitaux ou des prisons.
Texte et photos : Jean-Michel Delage
Faim Développement magazine
Edition du mois d'avril 2008
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