Dimanche 13 juillet 2008
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Par Stéphane Fougère
Sherap Dorjee - L'art du luth tibétain (Arion 2005)

La prolifération de CD consacrés à la musique et aux chants rituels des
temples bouddhistes tibétains a pu faire oublier qu'il existe aussi une musique tibétaine séculaire, rurale, qui n'est pas liée aux pratiques religieuses. Grâce au travail d'artistes comme le
multi-instrumentiste et chanteur Tenzin Gönpo et la chanteuse Namgyal Lhamo et son groupe Gang Chenpa, le folklore "profane" tibétain commence à sortir de l'ombre. Les mélomanes désireux d'en
savoir plus sur cette tradition des campagnes de plus en plus menacée par la sinisation forcée des modes d'expression au pays des neiges auront donc tout intérêt à se procurer ce disque d'un
jeune joueur de luth tibétain, Sherap Dorjee.
Né dans la partie ouest du Tibet et exilé au Ladakh, Sherap a enregistré ce CD, qui est à notre connaissance le premier entièrement dédié au luth tibétain, plus précisément à deux d'entre eux :
le danyen et le kovo. Le premier, sans doute le plus répandu et connu, est principalement joué au Tibet central (notamment à Lhassa), tandis que le second provient du Tibet ouest. Tous deux
possèdent trois doubles cordes mais se distinguent par leur aspect, leur technique de jeu et leur accordage. Les sept premières plages du CD font ainsi entendre le style si rustique et dépouillé
du danyen à travers une sélection de thèmes du centre et du nord du Tibet. Sherap Dorjee (qui chante également) y fait preuve d'un jeu très tendu, avec torsion du poignet, les cordes étant
âprement pincées ou tapées (selon le style de la région). Les cinq dernières plages offrent pour leur part le plaisir plus rare d'entendre le kovo, joué dans l'Ouest du Tibet, de même qu'au
Ladakh et dans l'Himalaya indien (région de Spiti). Cette fois, le style est plus orné et fluide et les mélodies plus complexes, au point que l'on croirait par moments entendre de la musique
berbère !
La pratique du kovo s'étant raréfiée au profit de celle du danyen, plus aisé à manier, on sait gré à Sherap Dorjee, assurément l'un des rares à jouer encore de ce luth, et à l'association
Altamira, à l'origine du projet, d'avoir consigné sur support numérique ce son si précieux. Souhaitons que ce disque encourage d'autres vocations à nous faire découvrir, par exemple, "l'art de la
vièle ou de la flûte tibétaines"...
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