Nosfell ? Un jeune prodige qui monte, qui monte… Cet artiste, encore inconnu ou presque il y a seulement quelques mois, rafle en effet aujourd’hui toutes les faveurs des critiques et du public
partout où il se manifeste. Son dernier coup d’éclat ? Il vient de remporter la finale du Chorus des Haut de Seine, célèbre et réputé festival rock de la région parisienne, dont la
principale ambition est de donner leur chance à de jeunes talents. Et mon petit doigt me dit que cette ascension et cette reconnaissance ne sont que le début d’une longue et belle histoire !
Car en effet, partout où Nosfell se produit, qu’il soit seul sur scène ou accompagné de son groupe de musiciens, il étonne, il enchante, il ébloui, et surtout, il envoûte. Difficile en effet de
rester insensible à son style, véritable alchimie de genres et d’influences, aboutissant au final à une expérience sensorielle tout à fait unique et insolite !
Le
Koid’9, après vous avoir annoncé quelques rendez-vous avec Nosfell dans son précédent numéro, était bien présent (et représenté : 3 chroniqueurs
sur place, rien que ça !) à celui du vendredi 25 avril au Café Culturel de St-Denis. Pas étonnant de retrouver Nosfell en action dans cette structure associative et espace public on ne peut
plus dynamique, dont le plus noble des projets est aussi de contribuer à la promotion de jeunes artistes en herbe, que ceux-ci soient musiciens, peintres, sculpteurs, conteurs, acteurs de
théâtre ou autres. Le Café Culturel peut se définir en effet comme l’un des lieux privilégiés du département 93, à la fois ressource et " tremplin" vers des structures professionnelles, pour
une multitude de créateurs indépendants en quête de reconnaissance et de lieux d’expression.
C’est donc dans ce cadre accueillant, à la fois « branché » et convivial, que nous avons retrouvé Nosfell dans sa formule en solitaire. Ce dernier avait pour seuls compagnons de scène sa
guitare électroacoustique, son double micro et son rack de pédales, via lesquelles il contrôle les séquences samplées (et enregistrées en direct !) de sa voix et de son instrument à cordes,
qu’il mélange ou superpose en fonction des besoins ou de l’inspiration ! Car en effet, Nosfell a la particularité assez rare de réarranger perpétuellement ses compositions sur scène, faisant
ainsi de chacun de ses concerts une expérience originale et complètement unique !

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient tout de même de
présenter en quelques mots le jeune artiste et son univers si caractéristique. Non content d’être un chanteur à la tessiture vocale exceptionnelle doublé d’un guitariste émérite, Nosfell
Labyala (c’est comme cela que nôtre musicien se dénomme dans son monde imaginaire, le Klokochazia !) est aussi tour à tour sur scène un mystérieux conteur, un griot d’un genre nouveau, un
danseur à la souplesse vertigineuse et aux airs chamaniques, mais aussi comme je l’ai annoncé plus haut, un arrangeur d’exception. A chacune de ses apparitions live, notre musicien nous emmène
à travers les territoires et les légendes du monde qu’il a lui-même crée, en interprétant sur scène toute une galerie de personnages énigmatiques, sans jamais qu’ils viennent nous dicter les
règles ou nous donner les clefs du Klokochazia (rien à voir ici avec le concept de Magma, si ce n’est le talent, l’originalité et la puissance émotionnelle). Nosfell ouvre juste une multitude
de portes sur son monde par le biais de ses personnages, tour à tour femme, vieillard ou enfant, laissant ainsi libre cours à notre imagination et à nos interprétations.
Et la musique dans tout ça ? Il est clair que Nosfell se moque des étiquettes, conjuguant allègrement le rock, la pop, le folk, le blues et ses percussions vocales, technique singulière
assez proche du jazzman Bobby Mc Ferrin, ou encore des Pygmées d’Afrique centrale, voir des Bushmen du Kalahari ! Impossible de saisir la couleur de ce véritable caméléon musical aux
comportements magnétiques sur scène, à découvrir donc impérativement dans le cadre d’un concert ! En effet, les quelques extraits MP3 disponibles sur son site sont très peu représentatifs de
l’incroyable richesse et de la diversité de son œuvre musicale, et il serait vraiment regrettable de passer à côté d’une telle découverte sur ce seul jugement ! Un mini-cd 4 titres enregistré
avec son groupe est cependant prévu pour très bientôt, en attendant un véritable premier album. Mais Nosfell EST et restera avant tout une expérience à vivre en live !
Il est plus de 21 h quand une voix suraiguë s’exprimant dans une langue inconnue (le fameux Klokobetz) retentit dans la salle comble, au beau milieu d’un public confortablement installé autour
des tables du café, dans une ambiance feutrée tendance club. Puis Nosfell Labyala marche doucement vers la scène minuscule installée pour l’occasion, le regard curieux et interrogateur, comme
s’il venait de découvrir l’univers qui l’entoure. Après avoir salué la salle et quitté son sweat-shirt (un rituel incontournable !), révélant un torse et un dos ornés de tatouages superbes en
rapport avec son monde, on retrouve notre être énigmatique juché sur un pied, sa posture scénique favorite bien qu’inconfortable, la guitare à la main, fin prêt à nous entraîner dans un voyage
passionnant qui ce soir durera un peu plus d’une heure trente. Le set démarre avec "Shaünipul", un titre acoustique aux doux relents de brit-folk dont la partie finale décolle littéralement.
Nosfell s’y amuse en effet à superposer sa voix samplée dans un refrain accrocheur en diable, passant du Baryton au fausset sans jamais faillir ! Cette technique sera utilisée tout au long du
concert par notre homme-orchestre, aussi bien pour mettre en boucle des parties de guitare que des séquences vocales. En procédant ainsi, Nosfell donne vie au travers ses multiples compositions
et improvisations, à de véritable moments de folie et de puissance rock exacerbée, ou encore génère de doux et étranges climats atmosphériques, incitant à la rêverie et à l’état d’envoûtement.
Car Nosfell se passe très bien des instruments électroniques pour créer une authentique musique ambient, construite à partir des simples sons issus de sa voix protéiforme. Parfois, notre hôte
mystérieux quitte la scène en état de transe, et s’en va chuchoter ses mots directement aux oreilles de personnes choisies parmi l’audience, laissant simultanément tourner en boucle les
séquences samplées qu’il vient tout juste de créer. Vraiment fascinant !

Nosfell est véritablement habité par sa musique, se donnant sur scène corps
et âme à un public généralement ébahi. Une sélection de ses meilleurs titres ("Kloko Sowizaz", "Blewkhz Gowz", "Sladjinji the grinnig tree") ainsi qu’une flopée d’inédits se succéderont
allègrement jusqu’au magnifique et émouvant "Jiaün Sev’Zul" (à faire découvrir d’urgence à Peter Gabriel !) qui conclura le set dans un bain d’émotion. En ultime rappel, Nosfell nous offrira
une version jouissive de "Mindala Jinka", son hit en forme de rock-ethnique au refrain amusant et accrocheur, qui n’échappera pas à public fort enthousiaste et participatif ! Ovations méritées.
Mais trêve de bla-bla, j’espère que cette chronique éveillera votre curiosité à venir découvrir cet artiste aussi génial que généreux, et à la démarche musicale on ne peut plus "progressive" et
novatrice. Nosfell en concert ? Une expérience unique et passionnante, aussi bien dans sa formule groupe qu’en solo (voir notre agenda pour les prochaines dates). Les deux facettes sont bien
sûr aussi complémentaires qu’indispensables. Réservez donc vos soirées, vous m’en direz des nouvelles !
Philippe Vallin
(Article paru initialement dans le magazine Koid'9)
1er album : "
Pomaïe Klokochazia balek"
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