
Robert Fripp de King Crimson crédité dans un album de Steve Roach ?
L’occasion est vraiment trop belle de vous présenter cet incroyable musicien que j’affectionne tout particulièrement, et ce depuis bien des années. Chef de file d’un genre musical à part entière
et véritable créateur d’univers sonores, le californien Steve Roach (qui pour l’anecdote habite au beau milieu du désert en Arizona) est devenu en quelques années un véritable pionnier, voir une
institution vivante dans le très large monde des musiques électroniques contemporaines. Son nom est en effet aujourd'hui au moins aussi important que celui de l'allemand
Klaus Schulze, influence avouée mais largement transcendée. Passionné de cultures primitives et de grands espaces vierges, Steve Roach est, entre autres,
l’inventeur du "Tribal ambient", un style unique et original qui compte aujourd’hui de nombreux adeptes en Amérique, mais bien peu cependant dans nos propres contrées. Cette musique
texturale peut se définir par le mélange de nappes synthétiques planantes (on en oublie d’ailleurs le musicien qui est à l’œuvre derrière ses claviers & ordinateurs !) et instruments
ethniques d’origines diverses (flûtes, percussions, etc.). Maître incontesté du genre, notons que Steve Roach est l’un des premiers musiciens à avoir popularisé le didgeridoo (trompe utilisée
dans les rituels aborigènes), qu'on retrouve par exemple dans un double album monolithique intitulé " Dreamtime Return" (1ère édition en 1988 chez fortuna records). Ce dernier, l’une des œuvres
les plus marquantes et emblématiques de Steve Roach, illustre un long voyage initiatique qu'il a lui même accompli sur les terres ancestrales des natifs d’Australie. Une fort belle manière pour
le californien de nous faire partager ses souvenirs, ses rêves et ses émotions. Et l'expérience, immersion totale dans un autre monde, vaut le détour (disque de chevet de votre serviteur).
Steve Roach a produit pas loin d’une quarantaine d’albums depuis 1982, sans aucune faute de goût ni défaut d’inspiration, perfectionnant d’œuvre en œuvre son incroyable savoir faire dans la
fusion de technologies modernes avec des sonorités issues de l’aube des temps. Il a collaboré tout au long de son œuvre avec bon nombre d’artistes se revendiquant du même courant, je citerai en
vrac ses compatriotes
Robert Rich, Thom Brennan, Michael Stearns, le mexicain Jorge Reyes (grand spécialiste des instruments précolombiens), le guitariste
espagnol Suso Saiz, Vidna Obmana, Vir Unis, le virtuose du didgeridoo
David Hudson, et bien sûr, le bidouilleur de sons électroniques Jeffrey Fayman,
dont il est également question ici. Beaucoup plus surprenant, Steve Roach a également travaillé avec le guitariste David Torn et le batteur/percussionniste Michael Shrieve, pour un album assez
atypique, intitulé "The leaving time" (BMG), qui a malheureusement complètement disparu de la circulation aujourd’hui. Pas si étonnant que cela donc de retrouver un musicien de la trempe de
Robert Fripp sur le nouveau projet de Steve Roach (allié à Jeffrey Fayman), qui vient ici faire fondre ses soundscapes guitaristiques avec les nappes profondes et hypnotiques de ses deux
collaborateurs. Au sommaire de "Trance spirits", sept morceaux complètement envoûtants qui s’écoutent d’une seule traite, comme un seul et unique grand trip chamanique. Si la musique de Steve
Roach est par nature très éthérée, parfois proche du silence, "Transe spirit" se veut beaucoup plus dense, plus contrasté que la majorité des œuvres du californien, car bénéficiant aussi de
l’apport du percussionniste Momodou Kah. Faisant jaillir ses pulsations rythmiques du magma électronique qui donne corps à l’album, le musicien africain excelle véritablement du début à la fin.
Difficile cependant de distinguer qui fait quoi entre Fayman, Fripp et Roach (également crédité à la guitare), tant leurs textures respectives fusionnent à merveille, créant un climat onirique
total. Un disque véritablement très fort, une pure expérience mystique, primitive, à vivre allongé sur le sol, dans le noir, la tête bien calée entre les enceintes.
Philippe Vallin
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