Steve Hogarth, le chanteur charismatique de Marillion, mêne en parallèle à ses activités au sein du groupe une carrière solo discrète, mais tout aussi digne d'intérêt. Au moment où s'achève sa tournée européenne "H Natural"* (avec 2 inoubliables passages en France à Paris et à Lille, en février et juin dernier), je vous propose de découvrir, grâces aux chroniques ci-dessous, un artiste que j'affectionne tout particulièrement, et que je considère comme l'une des plus grande et belle voix du rock, ni plus ni moins.
*l'homme était seul sur scène au piano, avec son "bagage" de chansons (ses compos et ses classiques affectionnés), sans show ni filage préparé, mais juste la volonté de "construire" chacun de ceux-ci selon les requêtes formulées en direct par son public. Un exercice pas si évident que ça même pour un grand professionnel de la scène, un défi personnel que H semble avoir réussi à relever avec brio. On en espère quelques extraits sur disque, avec la possible parution prochaine d'un nouvel album live. Patience et croisements de doigts donc... H BAND - Live Spirit / Live Body (Poison Apple/Racket Records 2002)

Steve Hogarth est un artiste trop souvent sous estimé, voir injustement décrié… Et pourtant, en parallèle à son rôle déjà essentiel au sein de Marillion (n’en déplaise à ceux qui croient encore que l’histoire du groupe s’est arrêtée avec le départ de Fish), "H" mène aussi une discrète mais brillante carrière solo via laquelle il fait véritablement éclat de tout son talent de compositeur et surtout de son incroyable (et insoupçonné !) éclectisme musical. En effet, si ce dernier avait déjà démontré en 1997 avec "Ice cream genius" qu’il était bien plus que le simple chanteur, aussi formidable soit-il, de l’une d’une des formations les plus mythiques du courant progressif, il confirme aujourd’hui avec ce double live qu’il fait partie des artistes pop les plus intéressants, novateurs et créatifs du moment, ni plus ni moins. Ce somptueux double album au packaging classieux et richement illustré (mais uniquement disponible en ligne auprès du label, ce qui est plus que dommage) nous fait écho de deux prestations londoniennes du "H Band", enregistrées les 8 et 9 août 2001 et remixées de main de maître par le producteur Dave Meegan, à qui l’on doit entres autres les fameux "Brave", "Afraid of sunlight" et "Anoraknophobia".
Le contenu de cet opus live (divisé en 2 partie bien distinctes) illustre à merveille toute l’ambivalence de Steve Hogarth, personnage à la fois très intérieur, ultra-sensible, à fleur de peau, mais aussi extraverti quant il le faut, voir carrément délirant, possédé ! En effet, si la set-list de "live spirit" se veut nostalgique et onirique à souhait, faisant la part belle aux titres les plus atmosphériques du groupe, celle de "live body" propose un panel de morceaux pop et rock débordant de vitalité et d’énergie, où Hogarth semble laisser libre cours à tous ses débordements fantaisistes. L’ensemble est ainsi composé de titres plus ou moins revisités d’" Ice cream genius", ainsi que d’une multitude de reprises de groupes et d’artistes dont les noms laissent rêveur, jugez plutôt : Peter Gabriel, Jethro Tull, David Bowie, Pink Floyd, Jeff Buckley etc… Pour mener à bien cette ambitieuse entreprise, Steve Hogarth s’est entouré d’un liste de musiciens non moins prestigieuse, puisque ce groupe aussi génial qu’insolite réunit tout de même les pointures que sont Richard Barbieri aux claviers (Porcupine Tree), Dave Gregory (XTC) et Aziz Ibrahim (Stone Roses) aux guitares, Andy Gangadeen (Massive Attack) à la batterie, Jingles à la basse, Stephanie Sobey-Jones au violoncelle et Dalbir Singh aux tablas (à ne pas confondre avec son homologue Talvin Singh, qui fait un carton dans le monde de la fusion électronique et world music). Dans ce désir de réunir des musiciens de tous horizons, H rejoint plus que jamais dans sa démarche un certain Peter Gabriel, affirmant ici la même soif d’éclectisme et de brassage culturel. En témoignent par exemple les formidables "Cage" et "Xen And Now", respectivement alimentés par les rythmiques indiennes de Dalbir Singh et les guitares aux consonances moyen-orientales d’Aziz Ibrahim, lui même auteur de cet unique titre instrumental. "Live Spirit : Live Body" propose donc du haut de ses 150 minutes un cocktail subtil de compositions personnelles (mais pas de réelle nouveauté, bien malheureusement) et de reprises parfois transcendées ("Dream Brother" de Jeff Buckey est en ce sens à tomber par terre). Comme je l’ai mentionné plus haut, les titres issus du "Ice Cream Genius" apparaissent ici dans des versions souvent retravaillées, voir parfois même totalement remodelées. Ainsi, " Cage" bénéficie d’une extension instrumentale au tempo dub absolument renversante et jubilatoire, et quant au final de "Deep Water", celui ci se voit sérieusement rallongé et enrichi d’une multitude d’effets, renforcés par d’obsédantes séquences de tablas qui vous plongent en un véritable état de transe ! A noter aussi la présence inespérée du très rare "The Last Thing", titre évoquant fortement le meilleur Porcupine Tree, disponible uniquement sur le single "You Dinosaur Thing" et sur le pressage américain du fameux "Ice cream genius".
Du côté des reprises, l’ami H nous aura tout aussi bien gâtés, puisqu’il nous offre ici entre autres les classiques que sont "I don’t remember" de Peter Gabriel, "The loving" d’XTC, "See Emily play" de Pink Floyd (ça nous change un peu des rengaines habituelles dont nous assènent les cover bands et autres tribute-albums !), "Maybe I’m amazed" de Paul Mc Cartney, et pour couronner le tout, une version à vous refiler la chair de poule du "Life On Mars ?" de David Bowie. Rien de mieux en effet que la voix et la sensibilité d’Hogarth pour se prêter à ce genre d’exercice, pas aussi évident qu’il n’en a l’air. Et pour les amateurs du Marillion actuel, ceux ci pourront se délecter au final d’un très émouvant "Estonia", ainsi que d’une version piano/voix absolument bouleversante de "This is the 21st century" (sans oublier le fantastique "Nothing to declare", la plus marillionesque parmi toutes les autres compositions du chanteur anglais ! Bref, voilà donc un magnifique album-souvenir à se procurer d’urgence pour tous ceux qui ont eu la chance d’assister au chaleureux et inoubliable concert parisien au café de la danse, et pour les autres, l’occasion rêvée de (re)découvrir un artiste immense et profondément humain. "Live Spirit / Live Body" est sans conteste un disque d’une incroyable générosité, servi par un collectif de musiciens hors pair, affichant un véritable plaisir de jouer ensemble et de partager des émotions, doublé d’un album live riche et original comme on n’en fait que trop rarement. Exceptionnel.
Philippe Vallin Le H-Band au Café de la danse – le 05 janvier 2002

Quelle grande et magnifique surprise que ce nouveau concert du "H Band" à Paris ! En effet, je n’en attendais pas beaucoup plus que leur fort sympathique prestation au Divan du Monde en 1997, dans le cadre de la tournée "Ice cream genius", 1er album en solo du chanteur de Marillion. 5 ans se sont donc écoulés depuis (sans nouveauté discographique à la clef), mais avec un groupe qui a bigrement évolué, qui s’est enrichi de nouveaux musiciens (et pas n’importe lesquels, voir un peu plus bas !), mais aussi et surtout de nouvelles influences… Loin du Marillion d’aujourd’hui ou du rock progressif des conservateurs (ni voyez là aucune comparaison qualitative de ma part), le H band serait une sorte de fusion parfaite et résolument moderne entre pop music, psychédélisme, électronique version Trip-hop, voir même world music. Avec ce nouveau collectif, Steve Hogarth peu faire fie de ses frustrations créatives au sein de son groupe de référence (exprimées par l’artiste lui même au cours de diverses interviews), et laisser s’épanouir tout son talent de compositeur, que beaucoup mésestiment trop souvent et à tort. Autour de "l’homme aux milles visages", on retrouve quelques anciens, dont Richard Barbieri et ses sonorités magiques de claviers, ainsi que le formidable guitariste Aziz Ibrahim (Stone roses) qui en aura bluffé plus d’un tout au long de la soirée avec son jeu innovant et bourré d’idées. Parmi les nouvelles recrues, citons Dave Gregory (guitariste du groupe XTC), Andy Gangadeen (batteur de Massive Attack), le tabliste indien Dalbir Singh et Stephanie Sobey-Jones au violoncelle, créditée également au même instrument dans l’excellent " Anoraknophobia" de Marillion. La set-list de la soirée sera un formidable mix de titres issus de "Ice cream genius" ("Really like", "You dinosaur thing", "The deep water", "Cage", "Better dreams", "Nothing to declare"…) dans des versions complètement remaniées et transcendées, de titres de Marillion également revisités (un joyeux "Eighty days" et un enorme "Estonia"), et pour finir un bon lot de reprises toutes plus étonnantes que les autres. Citons pèle mêle "The Loving" de l'album "Oranges & Lemons" d’XTC, une autre des Psychedelic Furs, deux de Peter Green's Fleetwood Mac ("Green Manalishi" et "Man Of The World"), l’éternel "Life On Mars" de David Bowie (chair de poule garantie pour toute la salle !), "Dream Brother" de Jeff Buckley (encore un ange qui nous a quitté trop tôt) et pour finir, une incroyable et dynamique version de "See emily play", qui je le rappelle est le tout premier single d’un jeune groupe du nom de…. Pink Floyd !

Steve Hogarth fera également un joli clin d’œil à son passé en interprétant "India", un titre de How we live (son 1er groupe d’appartenance avec les Europeans) où le percussionniste du groupe s’en donnera à cœur joie en frappant ses tablas (tout comme sur le final de "Cage" qui reste pour moi l’un des moments fort de ce concert). Autre surprise (et grand moment !) quand le groupe entamera un instrumental complètement tripant du répertoire solo d’Aziz Ibrahim, sorte de délire psychédélique digne de Porcupine Tree, ici joué à la sauce moyen orientale (Jimmy Page et Robert Plant devraient écouter ça). Voilà, que dire de plus de ce concert au Café de la Danse sinon qu'il fut un total enchantement ? Steve Hogarth, ici plus charismatique que jamais, semblait complètement à l’aise, détendu, sûr de lui, démontrant tout au long des 2 h 30 du set une folle envie de partager un grand moment de bonheur musical et d’intimité avec son public. L’ambiance entre les membres du groupe était excellente, les plaisanteries et autres private jokes fusaient dans toutes les directions… A l’arrivée, c’est pour moi le plus grand concert que j’ai vu de Steve Hogarth, Marillion inclus (à l’exception de la tournée "Brave" qui aussi m’avait laissé sur le cul : normal, je découvrais le groupe sur scène). Tout était parfait : salle accueillante, son impeccable, light show élaboré, groupe en parfaite harmonie et en état de grâce, public réactif et chaleureux, musique intense et surprenante, à tous les instants… J’en attends avec encore plus d’impatience la parution imminente du "H live spirit" (double album live, cela va de soit vu le titre) et surtout d’un possible nouvel opus solo du beau Steve, artiste en plein épanouissement créatif qui devrait faire encore un pas en avant dans l’innovation. Chapeau bas.
Philippe Vallin
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