Décidément, le slam parle à toutes les générations. C'est ce qu'a pu constater Grand Corps Malade à la résidence pour personnes âgées Ambroise Croizat. En plus
d'apprécier la poésie urbaine, ces dames tâtent elles-même de la plume et du micro.
"ON COMMENCE
quand ?" On dirait des gamines impatientes, alors que ce sont d'alertes grand-mères slamisantes. Eh oui ! Il n'y a pas d'âge pour devenir
jeune... Preuve était donnée par la bonne cinquantaine de mamies (où étaient les papys ? Au foot ?) qui s'était donné rendez-vous lundi 6 novembre à la résidence Croizat. Au programme de cette
après-midi, une rencontre avec
Grand Corps Malade. Quoi ? LE Grand Corps Malade, celui qui a vendu plus de 300 000 albums, qui a rempli le Bataclan
11 soirs durant, qui a 80 concerts programmés dans une tournée jusqu'en juin 2007 (au fait, c'est quand à Saint-Denis ?), qui a fait connaître et aimer le slam partout en France et en Navarre
?... Oui, LE Grand Corps Malade est là, souriant, visiblement heureux de rencontrer ces personnes qu'on dit âgées, qui se révèlent ardentes fans et étonnantes émules.
Fabien, au beau milieu des
retraités à Ambroise Croizat
Mais comment en est-on arrivé là ? Flash-back. "
Depuis longtemps, la résidence Croizat est un lieu de rencontres intergénérationnelles", rappelle
Philippe Vallin, responsable de l'équipe des animateurs au service des retraités de la ville. C'est ainsi qu'un travail de lecture, de poésie et d'écriture s'est engagé avec le collège Lurçat,
que l'association
Altamira organise depuis deux ans des séances autour de la chanson, ou que des rencontres autour du hip-hop ont été mises sur pied
avec Dominique Brousse, responsable de la Maison de la vie associative. "
Cette année, le succès de Grand Corps Malade a eu un effet accélérateur" reprend
Philippe Vallin. Avec son compère Yaya Bagayoko, de la Maison de la jeunesse, il a d'ailleurs récemment emmené trois retraitées au
Café culturel pour
assister (et participer !) à la slam session mensuelle de Grand Corps Malade, John Pucc'Chocolat et Ami Karim. Un succès.
Cette rencontre du 6 novembre n'est donc pas un "coup", mais à la fois l'aboutissement d'un processus engagé et le lancement d'un projet. Lorsque Grand Corps Malade paraît (ou plutôt Fabien, tant
les liens sont immédiatement chaleureux), "
C'est un cadeau pour les retraités", s'écrie Claudie Gillot-Dumoutier, adjointe au maire chargée des personnes
âgées. Un cadeau partagé puisque, en réponse à Fabien, elles se sont levées à neuf, se sont emparé du micro et ont interprété... leur slam,
Merci Fabien. "
Le slam, c'est le plaisir d'écrire et le plaisir de dire, leur at-il
lancé
. C'est aussi la mixité des publics et donc faire se rencontrer des personnes âgées et des jeunes, c'est quelque chose de naturel."
Présentation du
projet avec Philippe et Yaya
Un CD à la clé
Car c'est bien là l'enjeu de cette rencontre : monter un atelier de slam qui réunira une dizaine de jeunes issus de la Maison de la jeunesse et une dizaine de retraités. Et pas pour rigoler : à
raison d'une séance par semaine, jusqu'au mois de juin 2007, il s'agira d'aboutir à l'enregistrement d'un CD et de participer, en avril prochain, à une soirée Slam Caravane à Saint-Denis (à la
bourse du travail ?). Bref, c'est du lourd. "
On avait envie de travailler sur une action à long terme", précise Yaya Bagayoko, lui-même figure du rap
dionysien. "
J'ai vu le travail que vous faites, a-t-il ajouté,
vous allez venir
à la Maison de la jeunesse et nous on viendra ici. Vous avez des choses à dire aux jeunes et eux ont des choses à vous dire. Mais je vous préviens : on va vous faire bosser !" Une
invitation acceuillie avec enthousiame, comme on s'en doute. Animateur de la journée, et après que Grand Corps Malade ait interprété plusieurs des slams qui ont fait son succès (dont les fameux
Saint-Denis, Les voyages en train...), Philippe Vallin a la banane, comme on dit. Lui-même artiste, accompagné à la guitare par Joon Claudio, il entonne
deux de ses chansons, sur les
(dys)fonctionnaires et sur le marché de Saint-Denis où "
tout s'achète avec des clous", sous les vivats. Mais on ne saurait oublier les autres vedettes de l'après-midi : Denise et un texte plein d'humour, Henriette et son
hommage aux "
fesses dodues", Marthe qui conte sa vie de luttes, de misères et de joies... des textes qu'elles ont écrits ou choisis elles-mêmes, qui
racontent l'amour, la fraternité, la tolérance.
En fin de journée, signant de nombreux Midi 20, son superbe album, Grand Corps Malade, Fabien donc pour toutes ses nouvelles intimes, avait le regard encore plus clair de plaisir. "
Je suis très touché. Et même si je ne serai pas à toutes les séances, tournée oblige, là je reviens du Québec et je pars en Bretagne, je suivrai ce travail avec un grand
intérêt." T'inquiète Fabien, la relève est assurée...
Benoît Lagarrigue
Le Journal de Saint-Denis
Edition du 15 au 21 novembre 2006
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