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Se mettre au slam à 60 passés, une hérésie ? Des maisons de retraite du département proposent à leurs résidents de s’essayer à la poésie urbaine. Du côté des slameurs l’expérience est « inestimable ». Loubaki*, 28 ans, s’occupe de l’atelier d’écriture de la résidence Croizat à Saint-Denis, initié par Grand Corps Malade. Des très jeunes et des moins jeunes travaillent à partir d’un thème commun, se lancent des défis : « Ce sont mes élèves mais on n’est pas à l’école. On est dans un laboratoire des arts oratoires. Avec les anciens, il y a aussi des ados qui viennent dans ces ateliers comme Maeva, Justine, Axel qui ont entre 13 et 14 ans. Tous se réunissent autour d’une table pour écrire sur les mêmes thèmes».
Pour déclencher une inspiration poétique, parfois une couleur suffit : « le rouge », « l’arbre jaune ». Un autre jour, on leur propose de se mettre « dans la peau d’un mur ». Les ateliers durent deux heures. « C’est assez court pour sortir le meilleur de nous-mêmes. Etre le plus fidèle à ce que l’on pense, à ce que l’on est. On est à 200 sur l’autoroute, on doit se livrer. Ca donne lieu à une explosion d’émotions, c’est génial ». Parmi les retraités, certains sont timides, des larmes perlent parfois et finissent en éclats de rire. « J’ai eu des témoignages sur la guerre, rien à voir avec ceux des livres d’histoire, sans relief, poursuit Loubaki. Avec les anciens on a de la mémoire vivante, des livres à cœur ouvert ». Les rencontres sont fortes, loin des clichés… « Les non-dits des retraités sont encore plus violents. A les fréquenter, ma génération a la surprise de constater qu’ils sont plus engagés que nous. Ils nous montrent ce que la vie a fait d’eux et nous disent : « Vous les jeunes avez la force de protéger ce que nous avons jadis gagné. Ne lâchez pas. » C’est assez stimulant, assez encourageant ». Victor, slameur, le cheveu grisonnant, un des plus vieux du circuit, se souvient de l’un d’eux – décédé depuis – qui slamait comme un dieu du haut de ses 86 ans. « Les ateliers de poésie ont le vent en poupe. Il y a un besoin. La parole est un lieu qui réunit beaucoup de monde ». Un lieu où chacun cherche à protéger l’autre. Les anciens utilisent ces moments de sincérité pour mettre en garde les jeunes générations. Loubaki conclut, « Ils ont tendance à vouloir nous protéger. On a tendance à vouloir les protéger. La poésie nous rapproche. Le slam nous unit ».
* Présent sur les scènes slam en France et à l’étranger, Loubaki participe à divers projets artistiques, comme celui de l’atelier d’écriture de la résidence Ambroise Croizat à Saint-Denis.
Photos sur cette pages : Jean-Michel Delage et Philippe Vallin
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