
Depuis ces derniers mois, les cinq musiciens de
Marillion ont publié régulièrement sur leur site un journal vidéo suivant pas à pas la genèse de leur nouveau projet : la réalisation d'un album de reprises issues de leur propre répertoire.
Less is more, disque entièrement acoustique ou presque, est aujourd'hui fin prêt et disponible. Rien de bien neuf ni de très original dans cette démarche me direz-vous, mais pourtant,
cette sélection de morceaux datant des dix dernières années du groupe crée la surprise, quand elle ne touche pas tout simplement au sublime. Marillion nous avait annoncé ces versions comme des
quasi nouvelles chansons, et c'est presque finalement le cas, tant les titres ont été radicalement revisités au niveau des arrangements, du choix des sonorités, des changements de tons, de
rythmes ou d’atmosphères.
C’est
Go !, l’un des tous meilleurs titres du fort bancal mais bien produit
marillion.com qui ouvre l’album. Petite pulsation de glockenspiel, notes de guitare classique,
ensemble de cordes et voix enchanteresse de Steve Hogarth, on se croirait presque arrivé au pays des fées. L’ambiance si particulière du minimaliste et extraordinaire
Kuur des
islandaises Amiina, cousines et complices de Sigur Ros, n’est pas bien loin !
Interior Lulu, passionnant "morceau à tiroirs" issu du même
marillion.com, poursuit dans une veine
proche, réalisé avec le même genre d’instrumentarium, dulcimer, piano et orgue hammond en renfort. L’enchainement des chefs d’œuvres continue avec le classique et très émotionnel
Out of this
world (sûrement mon titre préféré du groupe !) qui ne perd rien de sa puissance ni de sa splendeur sans les envolées mélodiques et saturées du guitariste Steve Rothery et les nappes
atmosphériques immenses signées Mark Kelly. D’autres titres, s’ils n’atteignent pas la magie des trois précédents, n’en demeurent pas moins brillants, à commencer par
The Space, cuisiné
ici à l’aide d’une sauce jazz/blues assez surprenante mais délicieuse pour les papilles auditives, le heavy-fm
Hard as love se transformant miraculeusement en une jolie ballade façon
Beatles, ou encore
Quartz qui perd son énorme groove au profit d’arrangements tout à fait étranges et déroutants lors d'une première écoute ! On retiendra également
This is the
21st century qui, dénué de sonorités trip-hop/électro et transposé à une octave supérieure, change radicalement d’ambiance mais reste tout aussi intense et bouleversant.
Memory of
water et
It's not your fault, nouvelle composition des cinq d'Aylesbury et seul véritable inédit de l’album, resteront davantage anecdotiques dans leur traitement, même s’il s’agit
par ailleurs d’excellentes chansons. Quand à l'agaçant
If my heart were a ball, il s’agit à mon sens de la seule faute de goût de
Less is more, à commencer par sa présence au
menu, Mais bon, il faut savoir aussi que j’ai toujours détesté cette compo, alors que d'autres jubileront peut-être ! Enfin, signalons la présence d’un "morceau caché" (quelle habitude un
peu débile !) qui n’est autre que l’impopulaire
Cannibal surf babe, sorte de clin d’œil déjanté aux Beach Boys, plutôt fun en version acoustique avec son rythme entrainant et sa petite
touche finale sympa à l’harmonica.
Less is more aurait pu être d’une grande banalité vu son concept de base, mais fort heureusement il n’en est rien. Ce serait sans compter en effet sur l’énorme potentiel créatif des gars
de Marillion et leur indéniable aptitude à se renouveler constamment, ce malgré l’étiquette injustifiée de groupe has-been qui leur colle à la peau depuis les années 80 et le "renouveau" du rock
progressif. Le club des cinq s’est forgé avec le temps une formidable maîtrise instrumentale et vocale qui, espérons-le, continuera de nous surprendre dans les années à venir.
Less is
more prouve en attendant leur capacité de dénuder jusqu'à l'essentiel des compositions souvent épiques sans en atténuer la sensibilité à fleur de peau. Avec ou sans électricité, le feeling
de Marillion prend aux tripes et la magie opère, encore et toujours. Une nouvelle oeuvre à part entière, à consommer sans modération !
Philippe Vallin
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